Gabrielle désirait ardemment reprendre possession de cette maison; et en y retournant se faisait violence. Pornic avait été le théâtre de querelles familiales pénibles, Gabrielle n'y associait aucun heureux souvenir – seulement des cauchemars d'enfant et des rancoeurs d'adulte à l'égard de discordes insensées. Elle comptait beaucoup sur le week end entre amies pour habiter la propriété d'un regard nouveau. Les trois filles furent attentives à ses propos; et la rassurèrent à grands éclats de voix : « Nous, nous sommes simplement ravies que tu nous invites, Gab! C'est une chance que d'avoir cette maison. C'est une chance que tu nous y convies!»
En leur fort intérieur cependant, elles craignaient un syndrôme fréquent en voyage : « N'allons pas toutes nous détester rapidement, créant ainsi un véritable enfer ? » Ces pensées furent mises de côté, et toutes souriaient sincèrement.
Le train arriva bientôt à destination, au coeur même de Pornic sous le petit jour. Les jeunes femmes traversèrent la ville dans l'attente de découvrir cette demeure qui bravait l'océan, leur villégiature impromptue de quelques jours. La ville elle-même, elles ne la regardaient pas trop, certes d'emblée elle leur plut, mais l'alternance de somptueuses maisons bourgeoises et desdiscrets pavillons de pêcheurs ne faisait que rythmer leur attente et leur excitation d'arriver au terme de la promenade. Quelle ne fut pas leur enthousiasme de l'atteindre enfin, et de découvrir la maison de Gabrielle ! Celle-ci n'avait pas menti; accrochée à un amas de rochers tourmentés, Ker Selene surplombait la mer, la mer qui assaillait la côte de ses flux et reflux en un défi éternel.
Alors qu'elle n'avait pas même franchi le portail, retentit la sonnerie d'un téléphone portatif. Mélisande s'excusa et s'isola pour répondre. Elle revint, et annonça à Gabrielle et aux deux autres que d'ici la fin de la matinée, un ami viendrait les rejoindre. Son ami, ex ami, Roger, qu'aucune autre ne connaissait encore.
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